Le poulet biologique, une affaire de valeurs
By par André Dumont
Features New Technology ProductionPatience et persévérance
Patience et persévérance portent enfin leurs fruits à la Ferme Bio-Rard, où la production de poulet biologique a pris son envol grâce à un nouveau partenariat
Annie, 28 ans, et Donald, 26 ans, ont convaincu leur père Mario de se lancer avec eux en production de poulets biologique. |
Après cinq ans de hauts et de bas, d’essais et d’erreurs et des milliers d’heures et de dollars investis par conviction, l’avenir sourit enfin à la production biologique de la Ferme Bio-Rard. Depuis février dernier, 1200 poulets certifiés quittent la ferme à chaque semaine.
« Ça commence à valoir la peine, affirme Mario Bérard. Pendant les premières années, on ne faisait pas nos frais. » L’entreprise qu’il a fondé avec son épouse Karine et ses enfants Annie et Donald pour gérer en commun le volet biologique de leurs fermes avicoles a enfin trouvé le partenaire idéal. Les poulets de la Ferme Bio-Rard, à l’Ange Gardien, en Montérégie, sont abattus à la Ferme des Voltigeurs, de Drummondville, qui les met en marché dans son réseau de disbributeurs.
La production biologique ne faisait pas partie des plans de carrière de Mario Bérard.
Son élevage de poulets et sa meunerie conventionnels connaissaient une belle croissance quand il y a cinq ans, sa fille Annie, au terme de ses études, propose de diversifier la ferme familiale en y ajoutant un volet biologique. Son frère Donald est tout aussi emballé par l’idée.
Visiblement, Mario Bérard avait sous-estimé l’impact des valeurs que son épouse et lui avaient inculquées à leur enfants. Depuis des années déjà, le recyclage et le compostage des déchets domestiques est pratique courante à la maison. La récupération est même imposée aux employés de la ferme. Dans les champs, des bandes riveraines et des haies brise-vents font partie du paysage depuis plusieurs années.
« Si tout le monde faisait les mêmes petits efforts que nous, cela ferait une véritablement différence pour l’environnement », affirme Mario Bérard. « Je suis un planteux d’arbres, dit son fils Donald. Je crois qu’en agriculture, nous devons réduire l’utilisation d’herbicides et d’engrais. »
L’aventure biologique a débuté il y a cinq ans, par la remise en état d’une meunerie devenue trop petite pour le marché conventionnel que dessert Mario Bérard. La meunerie abandonnée reprend vie pour desservir les éleveurs biologiques de mouton, poulet, dindons, porcs et bovins laitiers.
« Notre premier client n’a acheté qu’une seule poche! », se rappelle Donald. Ce n’est qu’aujourd’hui que la meunerie affiche une certaine rentabilité. Les prix offerts aux producteurs de céréales biologiques se sont raffermis, leurs productions sont en croissance et la demande pour les moulées est supérieure à l’offre.
Parallèlement, la Ferme Bio-Rard se lance dans l’élevage de poulets biologiques. On met à contribution des poulaillers à un étage sur une ferme que Donald vient d’acquérir. Ici aussi, le démarrage impose son lot de défis.
« Nous avons dû apprende la technique. C’est très différent du conventionnel », soutient Mario. Les bâtiements sont modifiés pour offrir plus de lumière naturelle aux poulets et on leur aménage des parcs extérieurs. La régie est modifiée pour qu’ils profitent d’une plus faible densité et d’une alimentation biologique, sans antibiotiques
Après environ quatre ans d’expériences, les gains de poids sont maintenant plus uniformes et les taux de mortalités ont beaucoup chuté. « Il n’y a pas de recette miracle », affirme Donald en parlant des contraintes en santé animale. D’après lui, si d’autre éleveurs disent ne pas réussir à produire sans antibiotiques, c’est tout simplement parce qu’ils s’attendent à des taux de réussite élevés à chaque lot. Les producteurs biologique ont une meilleure tolérance aux pertes, croit-il.
« Plus tes animaux sont performants, plus ils sont vulnérables aux maladies », rappelle Mario. Les poulets de la Ferme Bio-Rard grandissent en 50 à 60 jours. Quand le temps le permet pendant l’été, ils sortent au grand air. Par contre, Donald et Annie croient que c’est plutôt la faible densité dans le poulailler et la moulée de meilleure qualité qui fait une différence. « Ce qui pollue le plus, ce sont les herbicides et les pesticides utilisés dans les champs », affirme Annie.
C’est plutôt du côté de la commercialisation que les Bérard se buttent aux plus grands obstacles. Ils ont tout essayé : vente à la ferme, dans des kiosques à des expositions, aux marchés Atwater et Jean-Talon à Montréal. « C’est beaucoup de travail, dit Annie. Notre force, c’est plutôt la production. »
En février dernier, leur distributeur principal tombe en difficultés financières. Des lots de poulet biologique risquent de se voir écoulés dans la filière conventionnel. Après des mois à subir des commandes en dent de scie, on songe carrément à abandonner la production biologique.
C’est alors que le partenariat avec la Ferme des Voltigeurs voit le jour. « Nous avons une belle entente. C’est une ferme familiale aussi et ils ont déjà leurs réseaux de distribution », explique Mario. Depuis, leur poulet se retrouve chez les détaillants aux côté du poulet de grain de la Ferme des Voltigeurs, sous l’étiquette « Poulet biologique Ferme des Voltigeurs, élevé par la ferme Bio-Rard ».
Avec trois poulaillers qui peuvent être utilisés pour la production biologique, la Ferme Bio-Rard est capable de produire des volumes suffisants pour absorber les frais de transport et d’abattage. De plus, la production peut suivre l’évolution de la demande, puisque les Bérard peuvent aisément attribuer à leur production biologique une partie du quota que chacun détient, qui leut permet d’élever entout environ 200 000 poulets à la fois. « La Ferme des Voltigeurs peut annoncer à tout le monde qu’elle offre du poulet biologique ! », dit Donald.
Les Bérard n’en sont pas rendus à envisager la construction de nouveaux poulaillers biologiques. Pas question non plus d’abandonner la production conventionnelle, puisque la plupart de leurs bâtiments ont trois étages. Avant d’investir davantage en production biologique, le marché devra faire ses preuves. On dit qu’il croît de 20 % par année, mais les risques sont encore élevés, prévient Mario.
Productions conventionnelle et biologique continueront donc à se cotoyer, sans contradiction dans l’esprit des propriétaires de la Ferme Bio-Rard. « Parce qu’on fait du biologique, on pense un peu plus en fonction de l’environnement, dit Mario. On ne change pas le monde, mais on ne contribue pas à le déteriorer! »
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