Canadian Poultry Magazine

Au pays des activistes

By André Dumont   

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A vez-vous des activistes au Canada? » Andrew Kaldenberg avait répondu à toutes mes questions et je croyais l’entrevue terminée. Visiblement, il en avait encore beaucoup à dire. Il semblait trouver curieux que son visiteur du Canada ne l’ait pas interrogé sur les groupes de défense du bien-être animal. 

Après lui avoir expliqué qu’au Québec, où je réalise la plupart de mes reportages, les producteurs n’ont pas encore été confrontés à de tels groupes, le gérant du complexe de 1,3 million de pondeuses de Rose Acre Farms à Stuart, en Iowa, m’a raconté comment son site a été la cible d’activistes.

Le 7 avril 2010, la Humane Society of the United States (HSUS) tient une conférence de presse dans un hôtel du centre-ville de Des Moines. Les membres d’associations d’agriculteurs ou de la presse agricoles sont tenus à l’écart. À l’intérieur la HSUS révèle des images choc de supposés mauvais traitements envers des poules pondeuses.

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La HSUA affirme que son « enquêteur » a travaillé dans quatre différentes « fermes-usines » de l’Iowa en janvier et mars 2010, révélant une « souffrance d’une étendue ahurissante. »

« Il ne s’agit pas de quelques oeufs pourris, mais plutôt de pratiques généralisées qui sont simplement pourries. Comme le démontre enquête après enquête, la cruauté est partout dans l’industrie des volailles en cage. Il est temps de mettre fin au confinement en cage des poules pondeuses », a déclaré la HSUS.

Deux heures plus tard, un journaliste cogne à la porte chez Rose Acre Farms à Stuart, à 40 milles du centre-ville de Des Moines. Andrew Kaldenberg l’accueille, puis lui dit que la vidéo de la HSUS était un montage qui représentait très mal les pratiques à la ferme.

L’enquêteur de la HSUA avait effectivement travaillé à Stuart, trois mois plus tôt. « Il a travaillé peut-être deux semaines. Je ne sais même pas s’il a collecté une paie », m’a confié le gérant du complexe.

Ce qui est certain est que cet individu s’est fait embaucher avec des pièces d’identité qui n’étaient pas les siennes. Il a reçu toute l’orientation et la formation habituelle, en plus d’instructions sur la bonne manipulation des poules. On a exigé de lui qu’il signe une déclaration qui engage tous les employés de la compagnie à rapporter immédiatement toute forme de mauvais traitements envers les oiseaux.

« Si cet individu croyait véritablement qu’il était témoin d’abus, alors il a violé son serment », affirme Andrew Kaldenberg. De plus, la loi en Iowa rend illégaux l’abus ou la négligence envers les animaux, fait-il remarquer. « Cet individu aurait dû alerter les autorités immédiatement. Au lieu, c’est sorti à une conférence de presse trois mois plus tard. »

Certaines des images montrées en conférence de presse provenaient effectivement du complexe de Stuart, mais Andrew Kaldenberg affirme qu’il y a eu fausse représentation. « Ils montrent les poules dans les chariots qu’on utilise pour les déplacer et tentent de faire croire que c’est là-dedans qu’elles vivent. »

Andrew Kaldenberg, qui est aussi le président de l’Iowa Poultry Association, a fait visiter la ferme au journaliste, afin de lui montrer les véritables conditions en cage.

Kevin Vinchattle, le directeur général de l’association, fut aussi appelé à contrer l’attaque de la HSUS. « Si ces poules n’étaient pas bien, elles ne pondraient pas d’oeufs, a-t-il répété. Si nous ne produisons pas d’oeufs, nous n’achetons pas de maïs, soya, électricité et tout ce qui faut pour la production d’oeufs. Cela affecterait le gagne-pain de pas mal de monde. »

Le même soir, ce journaliste a montré à la télévision la déclaration signée par l’enquêteur clandestin, dans laquelle il s’engageait à rapporter tout mauvais traitement des oiseaux.

En accueillant ce journaliste et en lui démontrant qu’il n’avait rien à cacher, Andrew Kaldenberg se targue d’avoir rapidement éteint le feu. Sa réaction relevait du gros bon sens et n’était pas dictée par des consignes de son employeur en cas de crise, affirme-t-il.

Modifier la loi
Les activistes qui ciblent les fermes avicoles et se font embaucher en mentant sur leur identité mettent à risque la sécurité des poules et le bon fonctionnement des fermes, affirme pour sa part Kevin Vinchattle. « S’ils ne travaillent pas avec à coeur les meilleurs intérêts des poules et de la ferme, ils représentent un immense risque. Ils pourraient couper les coins ronds sur une consigne de biosécurité et ne jamais manipuler les oiseaux correctement. Je crois que c’est injuste envers des gens
comme Andrew. »

Pour prévenir d’autres infiltrations clandestines de la part d’activistes, l’Iowa Poultry Association a suggéré de rendre illégal la prise d’images sur une ferme sans autorisation et d’obtenir accès à une ferme sous de faux prétextes. L’idée a été chaudement accueillie par Annette Sweeney (républicaine), la présidente du comité sur l’agriculture de la Chambre des représentants de l’Iowa. 

La loi proposée a généré beaucoup de battage médiatique, notamment la section qui rend illégal de (traduction libre)
« produire un enregistrement qui reproduise une image ou un son provenant d’une ferme, sans le consentement du propriétaire. »

Pour mes deux hôtes, cependant, la section la plus importante de ce projet de loi est celle sur la « fraude à l’endroit d’une ferme » (Animal facility fraud). Il deviendrait illégal « d’obtenir accès à une ferme sous de faux prétextes dans le but de commettre un acte non autorisé par le propriétaire » et de « faire une fausse déclaration dans le cadre d’une demande d’emploi sur une ferme, si la personne sait que cette déclaration est fausse et la fait avec l’intention de commettre un acte non autorisé par le propriétaire. »

Le projet de loi a été entériné par la Chambre des représentants le 17 mars 2011, puis transmis au sénat. Quelques amendements ont été ajoutés et le processus est complètement arrêté depuis le 29 juin.

Cette loi a été écrite spécifiquement pour l’agriculture. Cependant, affirme Kevin Vinchattle,  « ii j’étais dans n’importe quelle autre industrie, je ne voudrais pas avoir un travailleur qui n’est qui il prétend être. »

Que ce projet de loi aboutisse ou pas, cela ne changera pas l’approche terre à terre d’Andrew Kaldenberg. Ceux qui s’inquiètent du bien-être des poules en cage peuvent se présenter et demander à visiter. « Les activistes sont les bienvenus, » dit-il.


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